Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/346

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J’avoue, et hautement, Monsieur, que je le suis ;
Mais si cette amitié par l’amitié se paie,
800Ce cœur qui vous doit tout vous en rend une vraie.
La vôtre la devance à peine d’un moment ;
Elle attache mon sort au vôtre également ;
Et l’on n’y trouvera que cette différence,
Qu’en vous elle est faveur, en moi reconnoissance.

DORANTE.

805N’appelez point faveur ce qui fut un devoir :
Entre les gens de cœur il suffit de se voir.
Par un effort secret de quelque sympathie
L’un à l’autre aussitôt un certain nœud les lie :
Chacun d’eux sur son front porte écrit ce qu’il est,
810Et quand on lui ressemble, on prend son intérêt.

CLITON.

Par exemple, voyez, aux traits de ce visage
Mille dames m’ont pris pour homme de courage,
Et sitôt que je parle, on devine à demi
Que le sexe jamais ne fut mon ennemi.

CLÉANDRE.

Cet homme a de l’humeur[1].

DORANTE.

815Cet homme a de l’humeur.C’est un vieux domestique,
Qui, comme vous voyez, n’est pas mélancolique.
À cause de son âge il se croit tout permis ;
Il se rend familier avec tous mes amis,
Mêle partout son mot, et jamais, quoi qu’on die,
820Pour donner son avis il n’attend qu’on l’en prie[2].
Souvent il importune, et quelquefois il plaît.

CLÉANDRE.

J’en voudrois connoître un de l’humeur dont il est[3].

  1. De la gaieté, de l’enjouement. Voyez le Lexique.
  2. Var. Pour donner son avis il n’attend qu’on le prie (1645-56)
  3. Var. J’en voudrois savoir un de l’humeur dont il est. (1645-56)