Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/358

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Pour entrer sans soupçon, pour en sortir de même,
Et ne me point montrer qu’ayant vu si l’on m’aime.

DORANTE.

Je demeure immobile, et pour vous répliquer
1060Je perds la liberté même de m’expliquer.
Surpris, charmé, confus d’une telle merveille,
Je ne sais si je dors, je ne sais si je veille,
Je ne sais si je vis ; et je sais toutefois
Que ma vie est trop peu pour ce que je vous dois ;
1065Que tous mes jours usés à vous rendre service[1],
Que tout mon sang pour vous offert en sacrifice,
Que tout mon cœur brûlé d’amour pour vos appas,
Envers votre beauté ne m’acquitteroient pas.

MÉLISSE.

Sachez, pour arrêter ce discours qui me flatte,
1070Que je n’ai pu moins faire, à moins que d’être ingrate.
Vous avez fait pour moi plus que vous ne savez,
Et je vous dois bien plus que vous ne me devez.
Vous m’entendrez un jour ; à présent je vous quitte,
Et malgré mon amour, je romps cette visite.
1075Le soin de mon honneur veut que j’en use ainsi :
Je crains à tous moments qu’on me surprenne ici ;
Encore que déguisée, on pourroit me connoître.
Je vous puis cette nuit parler par ma fenêtre,
Du moins si le concierge est homme à consentir,
1080À force de présents, que vous puissiez sortir.
Un peu d’argent fait tout chez les gens de sa sorte.

DORANTE.

Mais après que les dons m’auront ouvert la porte[2],
Où dois-je vous chercher ?

  1. Var. Que tous mes jours usés dessous votre service. (1645-64)
  2. Var. Je le sais ; mais, Madame, en cas que je l’emporte,
    Où vous dois-je chercher ? (1645-56)