Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/380

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MÉLISSE.

Je mourois de frayeur, vous y voyant aller.

DORANTE.

Que Philiste est heureux ! qu’il doit aimer la vie !

MÉLISSE.

Vous n’avez pas sujet de lui porter envie.

DORANTE.

Vous lui parliez naguère en termes assez doux.

MÉLISSE.

1460Je pense d’aujourd’hui n’avoir parlé qu’à vous.

DORANTE.

Vous ne lui parliez pas avant tout ce vacarme ?
Vous ne lui disiez pas que son amour vous charme,
Qu’aucuns feux à vos feux ne peuvent s’égaler ?

MÉLISSE.

J’ai tenu ce discours, mais j’ai cru vous parler.
N’êtes-vous pas Dorante ?

DORANTE.

1465N’êtes-vous pas Dorante ?Oui, je le suis, Madame,
Le malheureux témoin de votre peu de flamme.
Ce qu’un moment fit naître, un autre l’a détruit ;
Et l’ouvrage d’un jour se perd en une nuit.

MÉLISSE.

L’erreur n’est pas un crime ; et votre aimable idée[1],
1470Régnant sur mon esprit, m’a si bien possédée,
Que dans ce cher objet le sien s’est confondu[2],
Et lorsqu’il m’a parlé je vous ai répondu ;
En sa place tout autre eût passé pour vous-même :
Vous verrez par la suite à quel point je vous aime.
1475Pardonnez cependant à mes esprits déçus ;

  1. Var. L’erreur n’est pas un crime ; et votre chère idée. (1645-56)
  2. Var. Que dedans votre objet le sien s’est confondu. (1645-56)