Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/388

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CLITON.

Non pas encore si fort, mais dès ce même instant
Il ne tiendra qu’à toi que je n’en tienne autant :
Tu n’as qu’à l’imiter pour être autant aimée.

LYSE.

Si son âme est en feu, la mienne est enflammée ;
1595Et je crois jusqu’ici ne l’imiter pas mal.

CLITON.

Tu manques, à vrai dire, encore au principal.

LYSE.

Ton secret est obscur.

CLITON.

Ton secret est obscur.Tu ne veux pas l’entendre ;
Vois quelle est sa méthode, et tâche de la prendre[1].
Ses attraits tout-puissants ont des avant-coureurs
1600Encore plus souverains à lui gagner les cœurs :
Mon maître se rendit à ton premier message.
Ce n’est pas qu’en effet je n’aime ton visage ;
Mais l’amour aujourd’hui dans les cœurs les plus vains
Entre moins par les yeux qu’il ne fait par les mains ;
1605Et quand l’objet aimé voit les siennes garnies,
Il voit en l’autre objet des grâces infinies.
Pourrois-tu te résoudre à m’attaquer ainsi ?

LYSE.

J’en voudrois être quitte à moins d’un grand merci.

CLITON.

Écoute : je n’ai pas une âme intéressée,
1610Et je te veux ouvrir le fond de ma pensée.
Aimons-nous but à but[2], sans soupçon, sans rigueur :
Donnons âme pour âme et rendons cœur pour cœur.

  1. Var. Vois quelle est sa méthode, et tâche de l’apprendre. (1652-56)
  2. But à but, c’est-à-dire d’une manière égale, sans nous faire réciproquement aucun avantage. C’est un terme de jeu.