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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/389

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LYSE.

J’en veux bien à ce prix.

CLITON.

J’en veux bien à ce prix.Donc, sans plus de langage,
Tu veux bien m’en donner quelques baisers pour gage ?

LYSE.

1615Pour l’âme et pour le cœur, tant que tu les voudras[1] ;
Mais pour le bout du doigt, ne le demande pas :
Un amour délicat hait ces faveurs grossières,
Et je t’ai bien donné des preuves plus entières.
Pourquoi me demander des gages superflus ?
1620Ayant l’âme et le cœur, que te faut-il de plus ?

CLITON.

J’ai le goût fort grossier en matière de flamme :
Je sais que c’est beaucoup qu’avoir le cœur et l’âme ;
Mais je ne sais pas moins qu’on a fort peu de fruit
Et de l’âme et du cœur, si le reste ne suit.

LYSE.

1625Eh quoi ! pauvre ignorant, ne sais-tu pas encore
Qu’il faut suivre l’humeur de celle qu’on adore,
Se rendre complaisant, vouloir ce qu’elle veut ?

CLITON.

Si tu n’en veux changer, c’est ce qui ne se peut.
De quoi me guériroient ces gages invisibles ?
1630Comme j’ai l’esprit lourd, je les veux plus sensibles :
Autrement, marché nul.

LYSE.

Autrement, marché nul.Ne désespère point :
Chaque chose a son ordre, et tout vient à son point ;
Peut-être avec le temps nous pourrons-nous connoître.
Apprends-moi cependant qu’est devenu ton maître.

  1. Var. Pour l’âme et pour le cœur, autant que tu voudras. (1645-56)