Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/401

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1880Vous lui devez beaucoup, vous ne rendez pas moins :
D’un plus haut sentiment la vertu n’est capable,
Et puisque ce duel vous avoit fait coupable,
Vous ne pouviez jamais envers un innocent
Être plus obligé ni plus reconnoissant.
1885Je ne m’oppose point à votre gratitude ;
Et si je vous ai mis en quelque inquiétude,
Si d’un si prompt départ j’ai paru me piquer[1],
Vous ne m’entendiez pas, et je vais m’expliquer.
On nomme une prison le nœud de l’hyménée ;
1890L’amour même a des fers dont l’âme est enchaînée ;
Vous les rompiez pour moi, je n’y puis consentir[2] :
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir[3].

DORANTE.

Ami, c’est là le but qu’avoit votre colère ?

PHILISTE.

Ami, je fais bien moins que vous ne vouliez faire.

CLÉANDRE.

1895Comme à lui je vous dois et la vie et l’honneur.

MÉLISSE.

Vous m’avez fait trembler pour croître mon bonheur.

PHILISTE, à Mélisse[4].

J’ai voulu voir vos pleurs pour mieux voir votre flamme,
Et la crainte a trahi les secrets de votre âme.
Mais quittons désormais des compliments si vains.

(À Cléandre.)

1900Votre secret, Monsieur, est sûr entre mes mains ;

  1. Var. Si de votre départ j’ai paru me piquer. (1645-56)
  2. Var. Vous les quittiez pour moi, je n’y puis consentir. (1645-56)
  3. Au sujet de ce refrain, critiqué par Voltaire :
    Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir,
    voyez ci-après l’Appendice, p. 394.
  4. Les mots à Mélisse, et, avant le vers 1900, à Cléandre, manquent dans l’édition originale.