Rodogune captive est livrée à sa haine.
Tous les maux qu’un esclave endure dans les fers,
Alors sans moi, mon frère, elle les eût soufferts.
La Reine, à la gêner prenant mille délices,
Ne commettoit qu’à moi l’ordre de ses supplices ;
Mais quoi que m’ordonnât cette âme toute en feu,
Je promettois beaucoup et j’exécutois peu.
Le Parthe cependant en jure la vengeance :
Sur nous à main armée il fond en diligence,
Nous surprend, nous assiége, et fait un tel effort,
Que la ville aux abois, on lui parle d’accord.
Il veut fermer l’oreille, enflé de l’avantage ;
Mais voyant parmi nous Rodogune en otage,
Enfin il craint pour elle et nous daigne écouter ;
Et c’est ce qu’aujourd’hui l’on doit exécuter.
La Reine de l’Égypte a rappelé nos princes
Pour remettre à l’aîné son trône et ses provinces.
Rodogune a paru, sortant de sa prison,
Comme un soleil levant dessus notre horizon.
Le Parthe a décampé, pressé par d’autres guerres
Contre l’Arménien qui ravage ses terres[1] ;
D’un ennemi cruel il s’est fait notre appui :
La paix finit la haine, et pour comble aujourd’hui,
Dois-je dire de bonne ou mauvaise fortune ?
Nos deux princes tous deux adorent Rodogune.
Sitôt qu’ils ont paru tous deux en cette cour[2],
Ils ont vu Rodogune, et j’ai vu leur amour ;
Mais comme étant rivaux nous les trouvons à plaindre,
Connoissant leur vertu, je n’en vois rien à craindre.
Pour vous, qui gouvernez cet objet de leurs vœux…