Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/456

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LAONICE.

Et n’ai point encor vu qu’elle aime aucun des deux[1]

TIMAGÈNE.

295Vous me trouvez mal propre à cette confidence,
Et peut-être à dessein je la vois qui s’avance.
Adieu : je dois au rang qu’elle est prête à tenir
Du moins la liberté de vous entretenir.


Scène V.

RODOGUNE, LAONICE.
RODOGUNE.

Je ne sais quel malheur aujourd’hui me menace,
300Et coule dans ma joie une secrète glace :
Je tremble, Laonice, et te voulois parler,
Ou pour chasser ma crainte ou pour m’en consoler.

LAONICE.

Quoi ? Madame, en ce jour pour vous si plein de gloire ?

RODOGUNE.

Ce jour m’en promet tant que j’ai peine à tout croire :
305La fortune me traite avec trop de respect,
Et le trône et l’hymen, tout me devient suspect.
L’hymen semble à mes yeux cacher quelque supplice,
Le trône sous mes pas creuser un précipice ;
Je vois de nouveaux fers après les miens brisés,
310Et je prends tous ces biens pour des maux déguisés :
En un mot, je crains tout de l’esprit de la Reine.

LAONICE.

La paix qu’elle a jurée en a calmé la haine.

  1. Var. Je n’ai point encor vu qu’elle aime aucun des deux (a), (1647-56)

    (a) Cette leçon est aussi celle qu’a donnée Thomas Corneille dans l’édition de 1692.