C’est par là que l’un d’eux obtient la préférence :
Je crois voir l’autre encore avec indifférence ;
Mais cette indifférence est une aversion
Lorsque je la compare avec ma passion.
Étrange effet d’amour ! incroyable chimère !
Je voudrois être à lui si je n’aimois son frère ;
Et le plus grand des maux toutefois que je crains,
C’est que mon triste sort me livre entre ses mains.
Ne pourrai-je servir une si belle flamme ?
Ne crois pas en tirer le secret de mon âme :
Quelque époux que le ciel veuille me destiner[1],
C’est à lui pleinement que je veux me donner[2].
De celui que je crains si je suis le partage[3],
Je saurai l’accepter avec même visage ;
L’hymen me le rendra précieux à son tour,
Et le devoir fera ce qu’auroit fait l’amour,
Sans crainte qu’on reproche à mon humeur forcée
Qu’un autre qu’un mari règne sur ma pensée[4].
Vous craignez que ma foi vous l’ose reprocher ?
Que ne puis-je à moi-même aussi bien le cacher !
Quoi que vous me cachiez, aisément je devine ;
Et, pour vous dire enfin ce que je m’imagine,
Le Prince…
Garde-toi de nommer mon vainqueur :