Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/468

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Mais voir votre couronne après lui destinée
Aux enfants qui naîtroient d’un second hyménée !
À cette indignité je ne connus plus rien :
Je me crus tout permis pour garder votre bien[1].
575Recevez donc, mes fils[2], de la main d’une mère
Un trône racheté par le malheur d’un père.
Je crus qu’il fit lui-même un crime en me l’ôtant,
Et si j’en ai fait un en vous le rachetant,
Daigne du juste ciel la bonté souveraine,
580Vous en laissant le fruit, m’en réserver la peine,
Ne lancer que sur moi les foudres mérités[3]
Et n’épandre sur vous que des prospérités !

ANTIOCHUS.

Jusques ici, Madame, aucun ne met en doute
Les longs et grands travaux que notre amour vous coûte,
585Et nous croyons tenir des soins de cette amour[4]
Ce doux espoir du trône aussi bien que le jour :
Le récit nous en charme, et nous fait mieux comprendre
Quelles grâces tous deux nous vous en devons rendre[5] ;
Mais afin qu’à jamais nous les puissions bénir,
590Épargnez le dernier à notre souvenir :
Ce sont fatalités dont l’âme embarrassée
À plus qu’elle ne veut se voit souvent forcée.
Sur les noires couleurs d’un si triste tableau
Il faut passer l’éponge ou tirer le rideau :
595Un fils est criminel quand il les examine ;
Et quelque suite enfin que le ciel y destine,
J’en rejette l’idée, et crois qu’en ces malheurs
Le silence ou l’oubli nous sied mieux que les pleurs.

  1. Var. Je me crus tout permis pour ravoir votre bien. (1647-56)
  2. L’édition de 1682 porte mon fils, pour mes fils.
  3. Var. Consumer sur mon chef les foudres mérités. (1647-56)
  4. Var. Et nous croyons tenir des soins de cet amour. (1647-68)
  5. Les éditions de 1647-55 ont toutes ici une faute bien évidente : « nous nous en devons rendre, » pour : « nous vous en devons rendre. »