Si l’on veut votre perte, on vous fait observer ;
Ou s’il vous est permis encor de vous sauver,
L’avis de Laonice est sans doute une adresse :
Feignant de vous servir, elle sert sa maîtresse.
La Reine, qui surtout craint de vous voir régner,
Vous donne ces terreurs pour vous faire éloigner ;
Et pour rompre un hymen qu’avec peine elle endure,
Elle en veut à vous-même imputer la rupture.
Elle obtiendra par vous le but de ses souhaits,
Et vous accusera de violer la paix ;
Et le Roi, plus piqué contre vous que contre elle,
Vous voyant lui porter une guerre nouvelle,
Blâmera vos frayeurs et nos légèretés,
D’avoir osé douter de la foi des traités ;
Et peut-être, pressé des guerres d’Arménie,
Vous laissera moquée, et la Reine impunie.
À ces honteux moyens gardez de recourir :
C’est ici qu’il vous faut ou régner ou périr.
Le ciel pour vous ailleurs n’a point fait de couronne,
Et l’on s’en rend indigne alors qu’on l’abandonne.
Ah ! que de vos conseils j’aimerois la vigueur,
Si nous avions la force égale à ce grand cœur[1] !
Mais pourrons-nous braver une reine en colère
Avec ce peu de gens que m’a laissés mon frère ?
J’aurois perdu l’esprit si j’osois me vanter
- ↑ Var. Si nous avions autant de forces que de cœur !
Mais que peut de vos gens une foible poignée
Contre tout le pouvoir d’une reine indignée ?
ORONTE. Vous promettre que seuls ils puissent résister,
J’aurois perdu le sens si j’osois m’en vanter :
Ils mourront à vos pieds ; c’est toute l’assistance
Que peut à leur princesse offrir leur impuissance ;
Mais doit-on redouter les hommes en des lieux
Où vous portez le maître et des rois et des Dieux ? (1647-56)