Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/48

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Heureux de l’asservir en lui donnant la vie,
Et de plaire par là même à Rome asservie !
Cependant que forcé d’épargner son rival,
180Aussi bien que Pompée il vous voudra du mal.
Il faut le délivrer du péril et du crime,
Assurer sa puissance, et sauver son estime,
Et du parti contraire en ce grand chef détruit,
Prendre sur vous le crime, et lui laisser le fruit[1].
185C’est là mon sentiment, ce doit être le vôtre :
Par là vous gagnez l’un, et ne craignez plus l’autre[2] ;
Mais suivant d’Achillas le conseil hasardeux,
Vous n’en gagnez aucun, et les perdez tous deux[3].

PTOLOMÉE.

N’examinons donc plus la justice des causes,
190Et cédons au torrent qui roule toutes choses[4].
Je passe au plus de voix, et de mon sentiment
Je veux bien avoir part à ce grand changement.
Assez et trop longtemps l’arrogance de Rome
A cru qu’être Romain c’étoit être plus qu’homme.
195Abattons sa superbe avec sa liberté ;
Dans le sang de Pompée éteignons sa fierté ;
Tranchons l’unique espoir où tant d’orgueil se fonde,
Et donnons un tyran à ces tyrans du monde :
Secondons le destin qui les veut mettre aux fers[5],
200Et prêtons-lui la main pour venger l’univers.
Rome, tu serviras ; et ces rois que tu braves,
Et que ton insolence ose traiter d’esclaves,
Adoreront César avec moins de douleur,
Puisqu’il sera ton maître aussi bien que le leur.
205Allez donc, Achillas, allez avec Septime

  1. Var. Prendre sur vous la honte, et lui laisser le fruit. (1644-64)
  2. L’édition de 1682 porte, par erreur : « et ne gagnez plus l’autre. »
  3. Var. Vous n’en gagnez pas un, et les perdez tous deux. (1644-68)
  4. Var. Et cédons au torrent qui traîne toutes choses. (1634-56)
  5. Var. Consentons au destin qui les veut mettre aux fers. (1644-56)