Un mot ne fait pas voir jusques au fond d’une âme ;
Et votre espoir trop prompt prend trop de vanité
Des termes obligeants de ma civilité.
Je l’ai dit, il est vrai ; mais, quoi qu’il en puisse être,
Méritez cet amour que vous voulez connoître.
Lorsque j’ai soupiré, ce n’étoit pas pour vous ;
J’ai donné ces soupirs aux mânes d’un époux[1] ;
Et ce sont les effets du souvenir fidèle
Que sa mort à toute heure en mon âme rappelle.
Princes, soyez ses fils, et prenez son parti.
Recevez donc son cœur en nous deux réparti ;
Ce cœur qu’un saint amour rangea sous votre empire,
Ce cœur pour qui le vôtre à tous moments soupire,
Ce cœur, en vous aimant indignement percé,
Reprend pour vous aimer le sang qu’il a versé ;
Il le reprend en nous, il revit, il vous aime,
Et montre, en vous aimant, qu’il est encor le même.
Ah ! Princesse, en l’état où le sort nous a mis,
Pouvons-nous mieux montrer que nous sommes ses fils ?
Si c’est son cœur en vous qui revit et qui m’aime,
Faites ce qu’il feroit s’il vivoit en lui-même ;
À ce cœur qu’il vous laisse osez prêter un bras :
Pouvez-vous le porter et ne l’écouter pas ?
S’il vous explique mal ce qu’il en doit attendre,
Il emprunte ma voix pour se mieux faire entendre[2],
Une seconde fois il vous le dit par moi :
Prince, il faut le venger.