Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/498

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ANTIOCHUS.

La nature et l’amour ont leurs droits séparés ;
L’un n’ôte point à l’autre une âme qu’il possède.

CLÉOPATRE.

Non, non, où l’amour règne il faut que l’autre cède.

ANTIOCHUS.

Leurs charmes à nos cœurs sont également doux.
1330Nous périrons tous deux s’il faut périr pour vous ;
Mais aussi…

CLÉOPATRE.

Mais aussi…Poursuivez, fils ingrat et rebelle.

ANTIOCHUS.

Nous périrons tous deux s’il faut périr pour elle.

CLÉOPATRE.

Périssez, périssez : votre rébellion
Mérite plus d’horreur que de compassion.
1335Mes yeux sauront le voir sans verser une larme,
Sans regarder en vous que l’objet qui vous charme ;
Et je triompherai, voyant périr mes fils,
De ses adorateurs et de mes ennemis.

ANTIOCHUS.

Eh bien ! triomphez-en, que rien ne vous retienne :
1340Votre main tremble-t-elle ? y voulez-vous la mienne ?
Madame, commandez, je suis prêt d’obéir :
Je percerai ce cœur qui vous ose trahir ;
Heureux si par ma mort je puis vous satisfaire,
Et noyer dans mon sang toute votre colère !
1345Mais si la dureté de votre aversion
Nomme encor notre amour une rébellion,
Du moins souvenez-vous qu’elle n’a pris pour armes
Que de faibles soupirs et d’impuissantes larmes.

CLÉOPATRE.

Ah ! que n’a-t-elle pris et la flamme et le fer !
1350Que bien plus aisément j’en saurois triompher !