Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/518

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Pour me faire un passage à vous percer le cœur.

(À Cléopatre.)

Où fuirois-je de vous après tant de furie,
Madame, et que feroit toute votre Syrie,
1765Où seule, et sans appui contre mes attentats,
Je verrois… ? Mais, Seigneur, vous ne m’écoutez pas !

ANTIOCHUS.

Non, je n’écoute rien ; et dans la mort d’un frère,
Je ne veux point juger entre vous et ma mère :
Assassinez un fils, massacrez un époux,
1770Je ne veux me garder ni d’elle ni de vous[1].
Suivons aveuglément ma triste destinée ;
Pour m’exposer à tout achevons l’hyménée.
Cher frère, c’est pour moi le chemin du trépas :
La main qui t’a percé ne m’épargnera pas ;
1775Je cherche à te rejoindre, et non à m’en défendre,
Et lui veux bien donner tout lieu de me surprendre :
Heureux si sa fureur, qui me prive de toi,
Se fait bientôt connoître en achevant sur moi,
Et si du ciel trop lent à la réduire en poudre,
1780Son crime redoublé peut arracher la foudre !
Donnez-moi…

RODOGUNE, l’empêchant de prendre la coupe.

Donnez-moi…Quoi ! Seigneur !

ANTIOCHUS.

Donnez-moi…Quoi ! Seigneur !Vous m’arrêtez en vain :
Donnez.

RODOGUNE.

Donnez.Ah ! gardez-vous de l’une et l’autre main.
Cette coupe est suspecte, elle vient de la Reine[2] ;
Craignez de toutes deux quelque secrète haine.

  1. Var. Je ne me veux garder ni de vous, ni de vous. (1647-68)
  2. Var. Cette coupe est suspecte, elle vient de la sienne ;
    Ne prenez rien, Seigneur, d’elle, ni de la mienne.
    cléopatre, à Rodogune. Qui m’épargnoit tantôt m’accuse à cette fois !
    rodogune, à Cléopatre. On ne peut craindre assez pour le salut des rois.
    Pour ôter tout soupçon d’une noire pratique,
    [Faites faire un essai par quelque domestique.] (1647-56)