Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/54

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Et l’osez accuser d’une aveugle amitié,
320Quand du tout qu’il me doit il me rend la moitié.

PTOLOMÉE.

Certes, ma sœur, le conte est fait avec adresse.

CLÉOPATRE.

César viendra bientôt, et j’en ai lettre expresse ;
Et peut-être aujourd’hui vos yeux seront témoins
De ce que votre esprit s’imagine le moins.
325Ce n’est pas sans sujet que je parlois en reine.
Je n’ai reçu de vous que mépris et que haine ;
Et de ma part du sceptre indigne ravisseur,
Vous m’avez plus traitée en esclave qu’en sœur ;
Même, pour éviter des effets plus sinistres,
330Il m’a fallu flatter vos insolents ministres,
Dont j’ai craint jusqu’ici le fer ou le poison.
Mais Pompée ou César m’en va faire raison,
Et quoi qu’avec Photin Achillas en ordonne,
Ou l’une ou l’autre main me rendra ma couronne.
335Cependant mon orgueil vous laisse à démêler
Quel étoit l’intérêt qui me faisoit parler.


Scène IV.

PTOLOMÉE, PHOTIN.
PTOLOMÉE.

Que dites-vous, ami, de cette âme orgueilleuse ?

PHOTIN.

Seigneur, cette surprise est pour moi merveilleuse[1] ;
Je n’en sais que penser, et mon cœur étonné
340D’un secret que jamais il n’auroit soupçonné,

  1. Var. Sire, cette surprise est pour moi merveilleuse. (1644-63)