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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/53

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Et que jusque dans Rome il alla du sénat[1]
Implorer la pitié contre un tel attentat,
Il nous mena tous deux pour toucher son courage :
Vous, assez jeune encor ; moi, déjà dans un âge
295Où ce peu de beauté que m’ont donné les cieux
D’un assez vif éclat faisait briller mes yeux.
César en fut épris, et du moins j’eus la gloire[2]
De le voir hautement donner lieu de le croire ;
Mais voyant contre lui le sénat irrité,
300Il fit agir Pompée et son autorité.
Ce dernier nous servit à sa seule prière,
Qui de leur amitié fut la preuve dernière :
Vous en savez l’effet, et vous en jouissez.
Mais pour un tel amant ce ne fut pas assez :
305Après avoir pour nous employé ce grand homme,
Qui nous gagna soudain toutes les voix de Rome,
Son amour en voulut seconder les efforts,
Et nous ouvrant son cœur, nous ouvrit ses trésors :
Nous eûmes de ses feux, encore en leur naissance,
310Et les nerfs de la guerre, et ceux de la puissance ;
Et les mille talents qui lui sont encor dus
Remirent en nos mains tous nos États perdus.
Le Roi, qui s’en souvint à son heure fatale,
Me laissa comme à vous la dignité royale,
315Et par son testament il vous fit cette loi[3],
Pour me rendre une part de ce qu’il tint de moi.
C’est ainsi qu’ignorant d’où vint ce bon office,
Vous appelez faveur ce qui n’est que justice,

  1. Var. Et que par ces mutins chassé de son État,
    Il fut jusques à Rome implorer le sénat. (1644-56)
  2. Var. César en fut épris, du moins il feignit l’être,
    Et voulut que l’effet le fît bientôt paroître. (1644-56)
  3. Var. Et par son testament, qui doit servir de loi,
    Me rendit une part de ce qu’il tint de moi. (1644-56)