Il condamne en son cœur ces indignes alarmes[1],
Et réduit tous les soins d’un si pressant ennui
À ne hasarder pas Cornélie avec lui :
« N’exposons, lui dit-il, que cette seule tête
À la réception que l’Égypte m’apprête ;
Et tandis que moi seul j’en courrai le danger,
Songe à prendre la fuite afin de me venger.
Le roi Juba nous garde une foi plus sincère ;
Chez lui tu trouveras et mes fils et ton père[2] ;
Mais quand tu les verrois descendre chez Pluton,
Ne désespère point, du vivant de Caton. »
Tandis que leur amour en cet adieu conteste[3],
Achillas à son bord joint son esquif funeste.
Septime se présente, et lui tendant la main,
Le salue empereur en langage romain ;
Et comme député de ce jeune monarque :
« Passez, seigneur, dit-il, passez dans cette barque ;
Les sables et les bancs cachés dessous les eaux
Rendent l’accès mal sûr à de plus grands vaisseaux. »
Ce héros voit la fourbe, et s’en moque dans l’âme :
Il reçoit les adieux des siens et de sa femme,
Leur défend de le suivre, et s’avance au trépas
Avec le même front qu’il donnait les États ;
La même majesté sur son visage empreinte
Entre ces assassins montre un esprit sans crainte ;
Sa vertu toute entière à la mort le conduit.
- ↑ Var. Il condamna soudain ces indignes alarmes,
Et pensa seulement, dans ce pressant ennui. (1644-56) - ↑ Après la bataille de Pharsale, le père de Cornélie, Q. Métellus Scipion, s’était retiré d’abord à Corcyre auprès de Caton, puis en Afrique, où César le vainquit, lui et Juba, roi de Numidie, à la bataille de Thapsus. — Des deux fils de Pompée et de Mucia, sa troisième femme, l’aîné, Cnéius, était en route pour l’Afrique quand il apprit la mort de son père ; le second, Sextus, était sur le vaisseau, et fut témoin avec Cornélie du meurtre de Pompée.
- ↑ Var. Il dit, et cependant que leur amour conteste. (1644-56)