Oui, ma sœur ; car l’État dont mon cœur est content,
Sur quelques bords du Nil à grand’peine s’étend[1] ;
Mais César, à vos lois soumettant son courage,
Vous va faire régner sur le Gange et le Tage.
J’ai de l’ambition, mais je la sais régler :
Elle peut m’éblouir, et non pas m’aveugler.
Ne parlons point ici du Tage ni du Gange ;
Je connois ma portée, et ne prends point le change.
L’occasion vous rit, et vous en userez.
Si je n’en use bien, vous m’en accuserez.
J’en espère beaucoup, vu l’amour qui l’engage.
Mais quelque occasion qui me rie aujourd’hui,
N’ayez aucune peur, je ne veux rien d’autrui :
Je ne garde pour vous ni haine ni colère,
Et je suis bonne sœur, si vous n’êtes[2] bon frère.
Vous montrez cependant un peu bien du mépris.
Le temps de chaque chose ordonne et fait le prix.
Votre façon d’agir le fait assez connoître.
Le grand César arrive, et vous avez un maître.