Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/92

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Le sang abject et vil de ces deux malheureux ?
1225Que je vous doive tout : César cherche à vous plaire,
Et vous pouvez d’un mot désarmer sa colère[1].

CLÉOPATRE.

Si j’avois en mes mains leur vie et leur trépas,
Je les méprise assez pour ne m’en venger pas ;
Mais sur le grand César je puis fort peu de chose,
1230Quand le sang de Pompée à mes desirs s’oppose.
Je ne me vante pas de pouvoir le fléchir[2] ;
J’en ai déjà parlé, mais il a su gauchir ;
Et tournant le discours sur une autre matière,
Il n’a ni refusé, ni souffert ma prière.
1235Je veux bien toutefois encor m’y hasarder,
Mes efforts redoublés pourront mieux succéder ;
Et j’ose croire…

PTOLOMÉE.

Et j’ose croire…Il vient ; souffrez que je l’évite :
Je crains que ma présence à vos yeux ne l’irrite[3],
Que son courroux ému ne s’aigrisse à me voir ;
1240Et vous agirez seule avec plus de pouvoir.


Scène III.

CÉSAR, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE,
CHARMION, ACHORÉE, Romains.
CÉSAR.

Reine, tout est paisible ; et la ville calmée,
Qu’un trouble assez léger avait trop alarmée,
N’a plus à redouter le divorce intestin

  1. Var. Vous pouvez d’un coup d’œil désarmer sa colère. (1644-56)
  2. Var. Je ne me vante pas de le pouvoir fléchir. (1644-56)
  3. Var. Je crains que de nouveau ma présence l’irrite ;
    Elle pourroit l’aigrir, au lieu de l’émouvoir. (1644-56)