Du soldat insolent et du peuple mutin.
Mais, ô Dieux ! ce moment que je vous ai quittée
D’un trouble bien plus grand a mon âme agitée !
Et ces soins importuns, qui m’arrachoient de vous,
Contre ma grandeur même allumoient mon courroux :
Je lui voulois du mal de m’être si contraire,
De rendre ma présence ailleurs si nécessaire ;
Mais je lui pardonnois, au simple souvenir
Du bonheur qu’à ma flamme elle fait obtenir.
C’est elle dont je tiens cette haute espérance
Qui flatte mes desirs d’une illustre apparence,
Et fait croire à César qu’il peut former des vœux,
Qu’il n’est pas tout à fait indigne de vos feux,
Et qu’il peut en prétendre une juste conquête[1],
N’ayant plus que les Dieux au-dessus de sa tête.
Oui, Reine, si quelqu’un dans ce vaste univers
Pouvoit porter plus haut la gloire de vos fers ;
S’il étoit quelque trône où vous pussiez paroître
Plus dignement assise en captivant son maître[2],
J’irois, j’irois à lui, moins pour le lui ravir,
Que pour lui disputer le droit de vous servir ;
Et je n’aspirerois au bonheur de vous plaire
Qu’après avoir mis bas un si grand adversaire[3].
C’étoit pour acquérir un droit si précieux
Que combattoit partout mon bras ambitieux ;
Et dans Pharsale même il a tiré l’épée
Plus pour le conserver que pour vaincre Pompée.
Je l’ai vaincu, princesse ; et le Dieu des combats
M’y favorisoit moins que vos divins appas :
Ils conduisoient ma main, ils enfloient mon courage ;
Cette pleine victoire est leur dernier ouvrage :
Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/93
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