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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/190

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Je rends grâce, Seigneur, à la bonté céleste
De ce qu’en ce grand bruit le sort nous est si doux
Que nous n’avons encor rien à craindre pour vous.
Votre courage seul nous donne lieu de craindre :
Modérez-en l’ardeur, daignez vous y contraindre,
Et puisqu’aucun soupçon ne dit rien à Phocas,
Soyez encor son fils, et ne vous montrez pas.
De quoi que ce tyran menace Pulchérie,
J’aurai trop de moyens d’arrêter sa furie,
De rompre cet hymen ou de le retarder,
Pourvu que vous veuillez ne vous point hasarder.
Répondez-moi de vous et je vous réponds d’elle.

Héraclius

Jamais l’occasion ne s’offrira si belle.
Vous voyez un grand peuple à demi révolté,
Sans qu’on sache l’auteur de cette nouveauté.
Il semble que de Dieu la main appesantie,
Se faisant du tyran l’effroyable partie,
Veuille avancer par là son juste châtiment ;
Que, par un si grand bruit, semé confusément,
Il dispose les cœurs à prendre un nouveau maître,
Et presse Héraclius de se faire connaître.
C’est à nous de répondre à ce qu’il en prétend :
Montrons Héraclius au peuple qui l’attend,
Evitons le hasard qu’un imposteur l’abuse,
Et qu’après s’être armé d’un nom que je refuse,
De mon trône, à Phocas sous ce titre arraché,
Il puisse me punir de m’être trop caché.
Il ne sera pas temps, Madame, de lui dire
Qu’il me rende mon nom, ma naissance et l’empire,