Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/442

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Rappela les vaincus, et défit les vainqueurs.
Ce même roi me vit dedans l’Andalousie
Dégager sa personne en prodiguant ma vie,
Quand tout percé de coups, sur un monceau de morts,
Je lui fis si longtemps bouclier de mon corps,
Qu’enfin autour de lui ses troupes ralliées,
Celles qui l’enfermaient furent sacrifiées ;
Et le même escadron qui vint le secourir
Le ramena vainqueur, et moi prêt à mourir.
Je montai le premier sur les murs de Séville,
Et tins la brèche ouverte aux troupes de Castille.
Je ne vous parle point d’assez d’autres exploits,
Qui n’ont pas pour témoins eu les yeux de mes rois.
Tel me voit et m’entend, et me méprise encore,
Qui gémirait sans moi dans les prisons du More.

DOM MANRIQUE

Nous parlez-vous, Carlos, pour Dom Lope et pour moi ?

CARLOS

Je parle seulement de ce qu’a vu le roi,
Seigneur ; et qui voudra parle à sa conscience.
Voilà dont le feu roi me promit récompense ;
Mais la mort le surprit comme il la résolvait.

DONA ISABELLE

Il se fût acquitté de ce qu’il vous devait ;
Et moi, comme héritant son sceptre et sa couronne,
Je prends sur moi sa dette, et je vous la fais bonne.
Seyez-vous, et quittons ces petits différends.

DOM LOPE

Souffrez qu’auparavant il nomme ses parents.
Nous ne contestons point l’honneur de sa vaillance,