Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/441

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CARLOS

Seigneur, ce que je suis ne me fait point de honte.
Depuis plus de six ans il ne s’est fait combat
Qui ne m’ait bien acquis ce grand nom de soldat :
J’en avais pour témoin le feu roi votre frère,
Madame ; et par trois fois…

DOM MANRIQUE

Nous vous avons vu faire,
Et savons mieux que vous ce que peut votre bras.

DONA ISABELLE

Vous en êtes instruits, et je ne la suis pas :
Laissez-le me l’apprendre. Il importe aux monarques
Qui veulent aux vertus rendre de dignes marques,
De les savoir connaître, et ne pas ignorer
Ceux d’entre leurs sujets qu’ils doivent honorer.

DOM MANRIQUE

Je ne me croyais pas être ici pour l’entendre.

DONA ISABELLE

Comte, encore une fois, laissez-le me l’apprendre.
Nous aurons temps pour tout. Et vous, parlez, Carlos.

CARLOS

Je dirai qui je suis, madame, en peu de mots.
On m’appelle soldat : je fais gloire de l’être ;
Au feu roi par trois fois je le fis bien paraître.
L’étendard de Castille, à ses yeux enlevé,
Des mains des ennemis par moi seul fut sauvé :
Cette seule action rétablit la bataille,
fit rechasser le More au pied de sa muraille,
Et rendant le courage aux plus timides cœurs,