Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/454

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N’en ont-ils pas rendu témoignage à ma vue ?
Ils ont fait peu d’état d’une race inconnue,
Ils ont douté d’un sort que vous voulez cacher :
Quand un doute si juste aurait dû vous toucher,
J’avais pris quelque soin de vous venger moi-même.
Remettre entre vos mains le don du diadème,
Ce n’était pas, marquis, vous venger à demi.
Je vous ai fait leur juge, et non leur ennemi,
Et si sous votre choix j’ai voulu les réduire,
C’est pour vous faire honneur et non pour les détruire.
C’est votre seul avis, non leur sang que je veux ;
Et c’est m’entendre mal que vous armer contre eux.
N’auriez-vous point pensé que si ce grand courage
Vous pouvait sur tous trois donner quelque avantage,
On dirait que l’état, me cherchant un époux,
N’en aurait pu trouver de comparable à vous ?
Ah ! Si je vous croyais si vain, si téméraire…

CARLOS

Madame, arrêtez là votre juste colère ;
Je suis assez coupable, et n’ai que trop osé,
Sans choisir pour me perdre un crime supposé.
Je ne me défends point des sentiments d’estime
Que vos moindres sujets auraient pour vous sans crime.
Lorsque je vois en vous les célestes accords
Des grâces de l’esprit et des beautés du corps,
Je puis, de tant d’attraits l’âme toute ravie,
Sur l’heur de votre époux jeter un œil d’envie ;
Je puis contre le ciel en secret murmurer
De n’être pas né roi pour pouvoir espérer ;
Et les yeux éblouis de cet éclat suprême,
Baisser soudain la vue, et rentrer en moi-même ;
Mais que je laisse aller d’ambitieux soupirs,
Un ridicule espoir, de criminels désirs !…
Je vous aime, madame, et vous estime en reine ;