Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/461

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Sinon que son service est préférable au mien,
Qu’avant que de me suivre on doit mourir pour elle,
Et qu’étant son sujet, il faut m’être infidèle.

CARLOS

Ce n’est point en sujet que je cours au combat :
Peut-être suis-je né dedans quelque autre état ;
Mais par un zèle entier et pour l’une et pour l’autre,
J’embrasse également son service et le vôtre,
Et les plus grands périls n’ont rien de hasardeux
Que j’ose refuser pour aucune des deux.
Quoique engagé demain à combattre pour elle,
S’il fallait aujourd’hui venger votre querelle,
Tout ce que je lui dois ne m’empêcherait pas
De m’exposer pour vous à plus de trois combats.
Je voudrais toutes deux pouvoir vous satisfaire,
Vous, sans manquer vers elle ; elle, sans vous déplaire :
Cependant je ne puis servir elle ni vous
Sans de l’une ou de l’autre allumer le courroux.
Je plaindrais un amant qui souffrirait mes peines,
Et tel pour deux beautés que je suis pour deux reines,
Se verrait déchiré par un égal amour,
Tel que sont mes respects dans l’une et l’autre cour :
L’âme d’un tel amant, tristement balancée,
Sur d’éternels soucis voit flotter sa pensée ;
Et ne pouvant résoudre à quels vœux se borner,
N’ose rien acquérir, ni rien abandonner :
Il n’aime qu’avec trouble, il ne voit qu’avec crainte ;
Tout ce qu’il entreprend donne sujet de plainte ;
Ses hommages partout ont de fausses couleurs,
Et son plus grand service est un grand crime ailleurs.

DONA ELVIRE

Aussi sont-ce d’amour les premières maximes,