Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/506

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DOM RAYMOND

Oui, je le vois, madame. Ah ! Seigneur, ah ! Mon maître !

DOM LOPE

Nous l’avions bien jugé : grand prince, rendez-vous ;
La vérité paraît ; cédez aux vœux de tous.

DONA LÉONOR

Dom Sanche, voulez-vous être seul incrédule ?

CARLOS

Je crains encore du sort un revers ridicule.
Mais, madame, voyez si le billet du roi
Accorde à Dom Raymond ce qu’il vous dit de moi.
Dona Eleonor ouvre l’écrin, et ne tire un billet qu’elle lit.
Pour tromper un tyran je vous trompe vous-même.
Vous reverrez ce fils que je vous fais pleurer :
Cette erreur lui peut rendre un jour le diadème ;
Et je vous l’ai caché pour le mieux assurer.
Si ma feinte vers vous passe pour criminelle,
Pardonnez-moi les maux qu’elle vous fait souffrir,
De crainte que les soins de l’amour maternelle
Par leurs empressements le fissent découvrir.
Nugne, un pauvre pêcheur, s’en croit être le père ;
Sa femme en son absence accouchant d’un fils mort,
Elle reçut le vôtre, et sut si bien se taire,
Que le père et le fils en ignorent le sort.
Elle-même l’ignore ; et d’un si grand échange
Elle sait seulement qu’il n’est pas de son sang,
Et croit que ce présent, par un miracle étrange,
Doit un jour par vos mains lui rendre son vrai rang.
À ces marques, un jour, daignez le reconnaître ;
Et puisse l’Aragon, retournant sous vos lois,
Apprendre ainsi que vous, de moi qui l’ai vu naître,
Que Sanche, fils de Nugne, est le sang de ses rois !
Don Fernand d’Aragon.
Dona Eleonor,