Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/505

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DONA LÉONOR

Laissez là, Dom Raymond, la mort de nos tyrans,
Et rendez seulement Dom Sanche à ses parents.
Vit-il ? Peut-il braver nos fières destinées ?

DOM RAYMOND

Sortant d’une prison de plus de six années,
Je l’ai cherché, madame, où pour les mieux braver,
Par l’ordre du feu roi je le fis élever,
Avec tant de secret, que même un second père,
Qui l’estime son fils, ignore ce mystère.
Ainsi qu’en votre cour Sanche y fut son vrai nom,
Et l’on n’en retrancha que cet illustre don.
Là j’ai su qu’à seize ans son généreux courage
S’indigna des emplois de ce faux parentage ;
Qu’impatient déjà d’être si mal tombé,
À sa fausse bassesse il s’était dérobé ;
Que déguisant son nom et cachant sa famille,
Il avait fait merveille aux guerres de Castille,
D’où quelque sien voisin, depuis peu de retour,
L’avait vu plein de gloire, et fort bien en la cour ;
Que du bruit de son nom elle était toute pleine,
Qu’il était connu même et chéri de la reine :
Si bien que ce pêcheur, d’aise tout transporté,
Avait couru chercher ce fils si fort vanté.

DONA LÉONOR

Dom Raymond, si vos yeux pouvaient le reconnaître…