Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉDÜIGE.

Que tu me connois mal, si tu connois mon frère !
Tu crois donc qu’à ce point la couronne m’est chère,
Que j’ose mépriser un comte généreux
Pour m’attacher au sort d’un tyran trop heureux ?
1635Aime-moi si tu veux, mais crois-moi magnanime :
Avec tout cet amour garde-moi ton estime[1] ;
Crois-moi quelque tendresse encore pour mon vrai sang,
Qu’une haute vertu me plaît mieux qu’un haut rang,
Et que vers Gundebert je crois ton serment quitte,
1640Quand tu n’aurois qu’un jour régné pour Pertharite.
Milan, qui l’a vu fuir, et t’a nommé son roi,
De la haine d’un mort a dégagé ma foi.
À présent je suis libre, et comme vraie amante
Je secours malgré toi ta vertu chancelante,
1645Et dérobe mon frère à ta soif de régner,
Avant que tout ton cœur s’en soit laissé gagner.
Oui, j’ai brisé ses fers, j’ai corrompu ses gardes,
J’ai mis en sûreté tout ce que tu hasardes.
Il fuit, et tu n’as plus à traiter d’imposteur
1650De tes troubles secrets le redoutable auteur.
Il fuit, et tu n’as plus à craindre de tempête[2].
Secourant ta vertu, j’assure ta conquête ;
Et les soins que j’ai pris… Mais la Reine survient.


Scène III.

GRIMOALD, RODELINDE, ÉDÜIGE, UNULPHE.
GRIMOALD, à Rodelinde.

Que tardez-vous, Madame, et quel soin vous retient ?

  1. Var. Avec tout cet amour conserve un peu d’estime. (1653-56)
  2. Var. Il fuit, et tu n’as point à craindre de tempête. (1653-56)