Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1655Suivez de votre époux le nom, l’image, ou l’ombre ;
De ceux qui m’ont trahi croissez l’indigne nombre,
Et délivrez mes yeux, trop aisés à charmer,
Du péril de vous voir et de vous trop aimer.
Suivez : votre captif ne vous tient plus captive.

RODELINDE.

1660Rends-le moi donc, tyran, afin que je le suive.
À quelle indigne feinte oses-tu recourir,
De m’ouvrir sa prison quand tu l’as fait mourir !
Lâche, présumes-tu qu’un faux bruit de sa fuite
Cache de tes fureurs la barbare conduite ?
1665Crois-tu qu’on n’ait point d’yeux pour voir ce que tu fais,
Et jusque dans ton cœur découvrir tes forfaits ?

ÉDÜIGE.

Madame…

RODELINDE.

Madame…Eh bien ! Madame, êtes-vous sa complice ?
Vous chargez-vous pour lui de toute l’injustice ?
Et sa main qu’il vous tend vous plaît-elle à ce prix[1] ?

ÉDÜIGE.

1670Vous la vouliez tantôt teinte du sang d’un fils,
Et je puis l’accepter teinte du sang d’un frère,
Si je veux être sœur comme vous étiez mère.

RODELINDE.

Ne me reprochez point une juste fureur
Où des feux d’un tyran me réduisoit l’horreur ;
1675Et puisque de sa foi vous êtes ressaisie,
Faites cesser l’aigreur de votre jalousie.

ÉDÜIGE.

Ne me reprochez point des sentiments jaloux,
Quand je hais les tyrans autant ou plus que vous.

  1. Var. Et la main qu’il vous rend vous plaît-elle à ce prix ? (1653-56 rec.)
    Var. Et la main qu’il vous tend vous plaît-elle à ce prix ? (1656 édit. sép.)