Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
NOTICE.

par une heureuse imitation de l’Œdipe roi de Sophocle, et de la pièce que Sénèque a faite sur le même sujet ; par malheur, changeant d’avis, il crut devoir mêler une intrigue amoureuse à cette terrible catastrophe, et il ne fut que trop fondé à dire : « Comme j’ai pris une autre route que la leur, il ne m’a pas été possible de me rencontrer avec eux[1]. »

Œdipe fut joué le vendredi 24 janvier 1659, et voici le compte rendu que Loret en donnait le lendemain dans sa Muse historique :

Monsieur de Corneille l’aîné
Depuis peu de temps a donné
À ceux de l’hôtel de Bourgogne
Son dernier ouvrage ou besogne :
Ouvrage grand et signalé,
Qui l’Œdipe est intitulé ;
Ouvrage, dis-je, dramatique,
Mais si tendre et si pathétique,
Que sans se sentir émouvoir
On ne peut l’entendre ou le voir.
Jamais pièce de cette sorte
N’eut d’élocution si forte ;
Jamais, dit-on, dans l’univers.
On n’entendit de si beaux vers.
Hier donc, la troupe royale,
Qui tels sujets point ne ravale,
Mais qui les met en leur beau jour,
Soit qu’ils soient de guerre ou d’amour,
En donna le premier spectacle.
Qui fît cent fois crier miracle.
Je n’y fus point ; mais on m’a dit
Qu’incessamment on entendit
Exalter cette tragédie
Si merveilleuse et si hardie,
Et que les gens d’entendement
Lui donnoient, par un jugement

  1. Voyez ci-après l’avis Au lecteur p. 127. Voyez aussi, en tête de l’Œdipe de Voltaire, les Lettres à M. de Genonville contenant la critique de l’Œdipe de Sophocle, de celui de Corneille, et de celui de l’auteur. — Jean Prévost, en 1605, et Nicolas de Sainte-Marthe, en 1614, avaient écrit chacun un Œdipe en vers français. Suivant toute apparence, Corneille n’a pas même jeté les yeux sur ces deux pièces.