Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/135

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VERS[1]

PRÉSENTÉS À MONSEIGNEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL, FOUCQUET[2],
SURINTENDANT DES FINANCES.

Laisse aller ton essor jusqu’à ce grand génie
Quitle rappelle au jour dont les ans t’ont bannie,
Muse, et n’oppose plus un silence obstiné
À l’ordre surprenant que sa main t’a donné[3].
5De ton âge importun la timide foiblesse[4]
A trop et trop longtemps déguisé ta paresse,
Et fourni de couleurs[5] à la raison d’État
Qui mutine ton cœur contre le siècle ingrat.
L’ennui de voir toujours ses louanges frivoles
10Rendre à tes longs travaux paroles pour paroles,
Et le stérile honneur d’un éloge impuissant
Terminer son accueil le plus reconnoissant[6] ;
Ce légitime ennui qu’au fond de l’âme excite

  1. Ces vers et l’avis Au lecteur ne se trouvent que dans l’édition de 1659.
  2. Nicolas Foucquet, né en 1615, procureur général au parlement de Paris à trente-cinq ans, surintendant des finances en 1652, disgracié en 1661, mort en 1680.
  3. Voyez plus haut, la Notice d’Œdipe, p. 104, et ci-après, l’avis Au lecteur, p. 124.
  4. Voltaire se trompe quand il dit, dans une note sur ces vers, que Corneille avait cinquante-six ans. Il était dans sa cinquante-troisième année (dix lustres et plus, dit-il lui-même un peu plus bas, au vers 47) lorsqu’il publia Œdipe.
  5. Voyez le Lexique au mot Fournir.
  6. Corneille a exprimé la même idée dans sa dédicace de Cinna, à Monsieur de Montoron. Voyez tome III, p. 372