Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je suis fâché pour vous que la reine sa mère
Ait su vous prévenir pour un fils de son frère.
Ma parole est donnée, et je n’y puis plus rien ;
Mais je crois qu’après tout ses sœurs la valent bien.


Thésée.

Antigone est parfaite, Ismène est admirable ;
Dircé, si vous voulez, n’a rien de comparable :
Elles sont l’une et l’autre un chef-d’œuvre des cieux ;
Mais où le cœur est pris on charme en vain les yeux.
Si vous avez aimé, vous avez su connaître
Que l’amour de son choix veut être le seul maître ;
Que s’il ne choisit pas toujours le plus parfait,
Il attache du moins les cœurs au choix qu’il fait ;
Et qu’entre cent beautés dignes de notre hommage,
Celle qu’il nous choisit plaît toujours davantage.
Ce n’est pas offenser deux si charmantes sœurs,
Que voir en leur aînée aussi quelques douceurs.
J’avouerai, s’il le faut, que c’est un pur caprice,
Un pur aveuglement qui leur fait injustice ;
Mais ce serait trahir tout ce que je leur doi,
Que leur promettre un cœur quand il n’est plus à moi.


Œdipe.

Mais c’est m’offenser, moi, prince, que de prétendre
À des honneurs plus hauts que le nom de mon gendre.
Je veux toutefois être encor de vos amis ;
Mais ne demandez plus un bien que j’ai promis.
Je vous l’ai déjà dit, que pour cet hyménée
Aux vœux du prince Aemon ma parole est donnée.
Vous avez attendu trop tard à m’en parler,
Et je vous offre assez de quoi vous consoler.
La parole des rois doit être inviolable.


Thésée.