Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/178

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À recevoir du peuple un exemple à faillir ?
Non, non : s’il m’en faut un, je ne veux que le vôtre ;
L’amour que j’ai pour vous n’en reçoit aucun autre.
Pour le bonheur public n’avez-vous pas toujours
Prodigué votre sang et hasardé vos jours ?
Quand vous avez défait le Minotaure en Crète,
Quand vous avez puni Damaste et Périphète,
Sinnis, Phaea, Sciron, que faisiez-vous, seigneur,
Que chercher à périr pour le commun bonheur ?
Souffrez que pour la gloire une chaleur égale
D’une amante aujourd’hui vous fasse une rivale.
Le ciel offre à mon bras par où me signaler :
S’il ne sait pas combattre, il saura m’immoler ;
Et si cette chaleur ne m’a point abusée,
Je deviendrai par là digne du grand Thésée.
Mon sort en ce point seul du vôtre est différent,
Que je ne puis sauver mon peuple qu’en mourant,
Et qu’au salut du vôtre un bras si nécessaire
À chaque jour pour lui d’autres combats à faire.


Thésée.

J’en ai fait et beaucoup, et d’assez généreux ;
Mais celui-ci, madame, est le plus dangereux.
J’ai fait trembler partout, et devant vous je tremble.
L’amant et le héros s’accordent mal ensemble ;
Mais enfin après vous tous deux veulent courir :
Le héros ne peut vivre où l’amant doit mourir ;
La fermeté de l’un par l’autre est épuisée ;
Et si Dircé n’est plus, il n’est plus de Thésée.