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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/209

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ACTE IV, SCÈNE IV.
Phorbas.

J’ai de confus rapports d’environ même temps.

Œdipe.

Environ ce temps-là fis-tu quelque voyage ?

Phorbas.

1430Oui, seigneur, en Phocide ; et là, dans un passage…

Œdipe.

Ah ! Je te reconnais, ou je suis fort trompé :
C’est un de mes brigands à la mort échappé,
Madame, et vous pouvez lui choisir des supplices ;
S’il n’a tué Laïus, il fut un des complices.

Jocaste.

1435C’est un de vos brigands ! Ah ! Que me dites-vous ?

Œdipe.

Je le laissai pour mort, et tout percé de coups.

Phorbas.

Quoi ? Vous m’auriez blessé ? Moi, seigneur ?

Œdipe.

Quoi ? Vous m’auriez blessé ? Moi, seigneur ?Oui, perfide :
Tu fis, pour ton malheur, ma rencontre en Phocide,
Et tu fus un des trois que je sus arrêter
1440Dans ce passage étroit qu’il fallut disputer ;
Tu marchois le troisième : en faut-il davantage ?

Phorbas.

Si de mes compagnons vous peigniez le visage,
Je n’aurois rien à dire, et ne pourrois nier.

Œdipe.

Seize ans, à ton avis, m’ont fait les oublier !
1445Ne le présume pas : une action si belle
En laisse au fond de l’âme une idée immortelle ;
Et si dans un combat on ne perd point de temps
À bien examiner les traits des combattants,
Après que celui-ci m’eut tout couvert de gloire,
1450Je sus tout à loisir contempler ma victoire.
Mais tu nieras encore, et n’y connoîtras rien.