Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
ŒDIPE.
Phorbas.

Je serai convaincu, si vous les peignez bien :
Les deux que je suivis sont connus de la reine.

Œdipe.

Madame, jugez donc si sa défense est vaine.
1455Le premier de ces trois que mon bras sut punir
À peine méritoit un léger souvenir :
Petit de taille, noir, le regard un peu louche,
Le front cicatrisé, la mine assez farouche ;
Mais homme, à dire vrai, de si peu de vertu,
1460Que dès le premier coup je le vis abattu.
Le second, je l’avoue, avoit un grand courage,
Bien qu’il parût déjà dans le penchant de l’âge :
Le front assez ouvert, l’œil perçant, le teint frais
(on en peut voir en moi la taille et quelques traits) ;
1465Chauve sur le devant, mêlé sur le derrière,
Le port majestueux, et la démarche fière.
Il se défendit bien, et me blessa deux fois ;
Et tout mon cœur s’émut de le voir aux abois.
Vous pâlissez, madame !

Jocaste.

Vous pâlissez, madame !Ah ! Seigneur, puis-je apprendre
1470Que vous ayez tué Laïus après Nicandre,
Que vous ayez blessé Phorbas de votre main,
Sans en frémir d’horreur, sans en pâlir soudain ?

Œdipe.

Quoi ? C’est là ce Phorbas qui vit tuer son maître ?

Jocaste.

Vos yeux, après seize ans, l’ont trop su reconnaître ;
1475Et ses deux compagnons que vous avez dépeints
De Nicandre et du Roi portent les traits empreints.

Œdipe.

Mais ce furent brigands, dont le bras[1]

  1. Var. Mais ce fut des brigands, dont le bras… (1659)