Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/223

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Iphicrate.

Seigneur, lui seul enfin peut dire qui vous êtes.


Œdipe.

Hélas ! Je le vois trop ; et vos craintes secrètes,
Qui vous ont empêchés de vous entr’éclaircir,
Loin de tromper l’oracle, ont fait tout réussir.
Voyez où m’a plongé votre fausse prudence :
Vous cachiez ma retraite, il cachait ma naissance ;
Vos dangereux secrets, par un commun accord,
M’ont livré tout entier aux rigueurs de mon sort :
Ce sont eux qui m’ont fait l’assassin de mon père ;
Ce sont eux qui m’ont fait le mari de ma mère.
D’une indigne pitié le fatal contre-temps
Confond dans mes vertus ces forfaits éclatants :
Elle fait voir en moi, par un mélange infâme,
Le frère de mes fils et le fils de ma femme.
Le ciel l’avait prédit : vous avez achevé ;
Et vous avez tout fait quand vous m’avez sauvé.


Phorbas.

Oui, seigneur, j’ai tout fait, sauvant votre personne :
M’en punissent les dieux si je me le pardonne !



Scène IV

.

Œdipe.

Que n’obéissais-tu, perfide, à mes parents,
Qui se faisaient pour moi d’équitables tyrans ?
Que ne lui disais-tu ma naissance et l’oracle,
Afin qu’à mes destins il pût mettre un obstacle ?
Car, Iphicrate, en vain j’accuserais ta foi :
Tu fus dans ces destins aveugle comme moi ;
Et tu ne m’abusais que pour ceindre ma tête