Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/225

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Et cette ambition que me prêtait l’amour
Ne cherchait qu’à régner dans un autre séjour.
Cent fois de mon orgueil l’éclat le plus farouche
Aux termes odieux a refusé ma bouche :
Pour vous nommer tyran il fallait cent efforts ;
Ce mot ne m’a jamais échappé sans remords.
D’un sang respectueux la puissance inconnue
À mes soulèvements mêlait la retenue ;
Et cet usurpateur dont j’abhorrais la loi,
S’il m’eût donné Thésée, eût eu le nom de roi.


Œdipe.

C’était ce même sang dont la pitié secrète
De l’ombre de Laïus me faisait l’interprète.
Il ne pouvait souffrir qu’un mot mal entendu
Détournât sur ma sœur un sort qui m’était dû,
Et que votre innocence immolée à mon crime
Se fît de nos malheurs l’inutile victime.


Dircé.

Quel crime avez-vous fait que d’être malheureux ?


Œdipe.

Mon souvenir n’est plein que d’exploits généreux ;
Cependant je me trouve inceste et parricide,
Sans avoir fait un pas que sur les pas d’Alcide,
Ni recherché partout que lois à maintenir,
Que monstres à détruire et méchants à punir.
Aux crimes malgré moi l’ordre du ciel m’attache :
Pour m’y faire tomber à moi-même il me cache ;
Il offre, en m’aveuglant sur ce qu’il a prédit,
Mon père à mon épée, et ma mère à mon lit.
Hélas ! Qu’il est bien vrai qu’en vain on s’imagine
Dérober notre vie à ce qu’il nous destine !
Les soins de l’éviter font courir au-devant,