Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/229

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Dircé.

Que fait-elle ?


Nérine.

Elle est morte ; et l’excès de sa peine,
Par un prompt désespoir…


Dircé.

Jusques où portez-vous,
Impitoyables dieux, votre injuste courroux !


Thésée.

Quoi ? Même aux yeux du roi son désespoir la tue ?
Ce monarque n’a pu…


Nérine.

Le roi ne l’a point vue,
Et quant à son trépas, ses pressantes douleurs
L’ont cru devoir sur l’heure à de si grands malheurs.
Phorbas l’a commencé, sa main a fait le reste.


Dircé.

Quoi ? Phorbas.


Nérine.

Oui, Phorbas, par son récit funeste,
Et par son propre exemple, a su l’assassiner.
Ce malheureux vieillard n’a pu se pardonner ;
Il s’est jeté d’abord aux genoux de la reine,
Où, détestant l’effet de sa prudence vaine :
" si j’ai sauvé ce fils pour être votre époux,
Et voir le roi son père expirer sous ses coups,
A-t-il dit, la pitié qui me fît le ministre
De tout ce que le ciel eut pour vous de sinistre,
Fait place au désespoir d’avoir si mal servi,
Pour venger sur mon sang votre ordre mal suivi.
L’inceste où malgré vous tous deux je vous abîme
Recevra de ma main sa première victime :
J’en dois le sacrifice à l’innocente erreur
Qui vous rend l’un pour l’autre un objet plein d’horreur. "