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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/298

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LA TOISON D’OR.

Elle blâme déjà son trop d’emportement.
C’est à vous d’achever un si doux changement.
Un soupir poussé juste, en suite d’une excuse,
Perce un cœur bien avant quand lui-même il s’accuse, 665
Et qu’un secret retour le force à ressentir
De sa fureur trop prompte un tendre repentir.

Jason.

Déesse, quels encens[1]

Junon.

Déesse, quels encensM…Traitez-moi de princesse,
Jason, et laissez là l’encens et la Déesse.
Quand vous serez en Grèce il y faudra penser ; 670
Mais ici vos devoirs s’en doivent dispenser :
Par ce respect suprême ils m’y feroient connaître.
Laissez-y-moi passer pour ce que je feins d’être,
Jusqu’à ce que le cœur de Médée adouci…

Jason.

Madame, puisqu’il faut ne vous nommer qu’ainsi, 675
Vos ordres me seront des lois inviolables :
J’aurai pour les remplir des soins infatigables ;
Et mon amour plus fort…

Junon.

Et mon amour plus fort…Je sais que vous aimez,
Que Médée a des traits dont vos sens sont charmés.
Mais cette passion est-elle en vous si forte 680
Qu’à tous autres objets elle ferme la porte ?
Ne souffre-t-elle plus l’image du passé ?
Le portrait d’Hypsipyle est-il tout effacé ?

Jason.

Ah !

Junon.

Ah !Vous en soupirez !

  1. Quels encens, au pluriel, est la leçon de toutes les anciennes éditions, y compris celle de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).