Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je reprends cette foi que tu crains d’accepter,
Et préviens un ingrat qui cherche à me quitter.

Jason.

Moi, vous quitter. Madame ! ah ! que c’est mal connoître 860
Le pouvoir du beau feu que vos yeux ont fait naître !
Que nos héros en Grèce emportent leur butin,
Jason auprès de vous attache son destin.
Donnez-leur la toison qu’ils ont presque achetée ;
Ou si leur sang versé l’a trop peu méritée, 865
Joignez-y tout le mien, et laissez-moi l’honneur
De leur voir de ma main tenir tout leur bonheur.
Que si le souvenir de vous avoir servie
Me réserve pour vous quelque reste de vie,
Soit qu’il faille à Colchos borner notre séjour, 870
Soit qu’il vous plaise ailleurs éprouver mon amour,
Sous les climats brûlants, sous les zones glacées,
Les routes me plairont que vous m’aurez tracées :
J’y baiserai partout les marques de vos pas.
Point pour moi de patrie où vous ne serez pas ; 875
Point pour moi…

Médée.

Point pour moi… Quoi ? Jason, tu pourrois pour Médée
Étouffer de ta Grèce et l’amour et l’idée ?

Jason.

Je le pourrai, Madame, et de plus…



Scène III

ABSYRTE, JUNON, JASON, MÉDÉE.
Absyrte.

Je le pourrai, Madame, et de plus… Ah ! mes sœurs,
Quel miracle nouveau va ravir tous nos cœurs !
Sur ce fleuve mes yeux ont vu de cette roche 880