Ne suis-je plus la même arrivant à Colchos ?
Oui ; mais je n’y suis pas le même qu’à Lemnos.
Dieux ! que viens-je d’ouïr ?
Voyez cette princesse, elle a toute mon âme ;
Et pour vous épargner les discours superflus,
Ici je ne connois et ne vois rien de plus,
Ô faveurs de Neptune, où m’avez-vous conduite ?
Et s’il commence ainsi, quelle sera la suite ?
Non, non. Madame, non, je ne veux rien d’autrui :
Reprenez votre amant, je vous laisse avec lui[1].
Ne m’offre plus un cœur dont une autre[2] est maîtresse,
Volage, et reçois mieux cette grande princesse.
Adieu : des yeux si beaux valent bien la toison.
Ah ! Madame, voyez qu’avec peu de raison…
Suivez sans perdre temps, je saurai vous rejoindre.
Madame, on vous trahit ; mais votre heur n’est pas moindre.
Mon frère, qui s’apprête à vous conduire au Roi,
N’a pas moins de mérite, et tiendra mieux sa foi.
Si je le connois bien, vous avez qui vous venge ;
Et si vous m’en croyez, vous gagnerez au change.
Je vous laisse en résoudre, et prends quelques moments
Pour rétablir le calme entre ces deux amants.