Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/316

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Ni que sur ma parole il me crût de naissance
À porter mes désirs jusqu’à son alliance.
Maintenant qu’une reine a fait voir que mon sang
N’est pas fort au-dessous de cet illustre rang, 1075
Qu’un refus de son sceptre après votre victoire
Montre qu’on peut m’aimer sans hasarder sa gloire,
J’ose, un peu moins timide, offrir, avec ma foi,
Ce que veut une reine à la fille d’un roi.

Aæte.

Et cette même reine est un exemple illustre 1080
Qui met tous vos hauts faits en leur plus digne lustre.
L’état où la réduit votre fidélité
Nous instruit hautement de cette vérité,
Que ma fille avec vous seroit fort assurée
Sur les gages douteux d’une foi parjurée. 1085
Ce trône refusé, dont vous faites le vain,
Nous doit donner à tous horreur de votre main.
Il ne faut pas ainsi se jouer des couronnes :
On doit toujours respect au sceptre, à nos personnes.
Mépriser cette reine en présence d’un roi, 1090
C’est manquer de prudence aussi bien que de foi.
Le ciel nous unit tous en ce grand caractère :
Je ne puis être roi sans être aussi son frère ;
Et si vous étiez né mon sujet ou mon fils,
J’aurois déjà puni l’orgueil d’un tel mépris ; 1095
Mais l’unique pouvoir que sur vous je puis prendre,
C’est de vous ordonner de la voir, de l’entendre.
La voilà : pensez bien que tel est votre sort,
Que vous n’avez qu’un choix, Hypsipyle ou la mort ;
Car à vous en parler avec pleine franchise, 1100
Ma perte dépend bien de la toison conquise ;
Mais je ne dois pas craindre en ces périls nouveaux
Que votre vie échappe aux feux de nos taureaux.