Scène II
Madame, j’ai parlé ; mais toutes mes paroles
Ne sont auprès de lui que des discours frivoles.
C’est à vous d’essayer ce que pourront vos yeux :
Comme ils ont plus de force, ils réussiront mieux.
Arrachez-lui du sein cette funeste envie
Qui dans ce même jour lui va coûter la vie.
Je vous devrai beaucoup, si vous touchez son cœur
Jusques à le sauver de sa propre fureur :
Devant ce que je dois au secours de ses armes,
Rompre son mauvais sort, c’est épargner nos larmes.
Scène III
Eh bien ! Jason, la mort a-t-elle de tels biens
Qu’elle soit plus aimable à vos yeux que les miens ?
Et sa douceur pour vous seroit-elle moins pure
Si vous n’y joigniez l’heur de mourir en parjure ?
Oui, ce glorieux titre est si doux à porter,
Que de tout votre sang il le faut acheter.
Le mépris qui succède à l’amitié passée
D’une seule douleur m’auroit trop peu blessée :
Pour mieux punir ce cœur d’avoir su vous chérir,
Il faut vous voir ensemble et changer et périr ;
Il faut que le tourment d’être trop tôt vengée
Se mêle aux déplaisirs de me voir outragée ;
Que l’amour, au dépit ne cédant qu’à moitié,