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Scène V

JUNON, JASON, L’AMOUR.
(L’Amour est dans le ciel de Vénus[1].)
Junon.

À bien examiner l’éclat de ce grand bruit,
Hypsipyle vous sert plus qu’elle ne vous nuit.
Ce n’est pas qu’après tout ce courroux ne m’étonne :
Médée à sa fureur un peu trop s’abandonne.
L’Amour tient assez mal ce qu’il m’avoit promis, 1750
Et peut-être avez-vous trop de dieux ennemis.
Tous veulent à l’envi faire la destinée
Dont se doit signaler cette grande journée :
Tous se sont assemblés exprès chez Jupiter,
Pour en résoudre l’ordre, ou pour le contester ; 1755
Et je vous plains, si ceux qui daignoient vous défendre
Au plus nombreux parti sont forcés de se rendre.
Le ciel s’ouvre, et pourra nous donner quelque jour :
C’est celui de Vénus, j’y vois encor l’Amour ;
Et puisqu’il n’en est pas, toute cette assemblée 1760
Par sa rébellion pourra se voir troublée.
Il veut parler à nous : écoutez quel appui
Le trouble où je vous vois peut espérer de lui.

(Le ciel s’ouvre, et fait voir le palais de Vénus, composé de Termes à face humaine et revêtus de gaze d’or, qui lui servent de colonnes ; le lambris n’en est pas moins riche. L’Amour y paroît seul ; et sitôt qu’il a parlé, il s’élance en l’air, et traverse le théâtre en volant, non pas d’un côté à l’autre, comme se font les vols ordinaires, mais d’un bout à l’autre, en tirant vers les spectateurs ; ce qui n’a point encore été pratiqué en France de cette manière[2].)

L’amour.

Cessez de m’accuser, soupçonneuse déesse ;

  1. Var. JUNON, JASON, L’AMOUR dans le ciel. (1661)
  2. Voyez ci-dessus, p. 231 et 241.