J’aurai soin de ta gloire aussi bien que de toi.
Si ce noble intérêt te donne tant d’alarmes,
Tiens, voilà de quoi vaincre et taureaux et gensdarmes ;
Laisse à tes compagnons combattre le dragon :
Ils veulent comme toi leur part à la toison ;
Et comme ainsi qu’à toi la gloire leur est chère,
Ils ne sont pas ici pour te regarder faire.
Zéthès et Calaïs, ces héros emplumés,
Qu’aux routes des oiseaux leur naissance a formés,
Y préparent déjà leurs ailes enhardies
D’avoir pour coup d’essai triomphé des Harpies ;
Orphée avec ses chants se promet le bonheur
D’assoupir…
Ou du moins j’aurai part moi-même à leur défaite,
Si je laisse comme eux la conquête imparfaite :
Il me la faut entière ; et je veux vous devoir…
Va, laisse quelque chose, ingrat, en mon pouvoir ;
J’en ai déjà trop fait pour une âme infidèle.
Adieu. Je vois ma sœur : délibère avec elle ;
Et songe qu’après tout ce cœur que je te rends,
S’il accepte un vainqueur, ne veut point de tyrans ;
Que s’il aime ses fers, il hait tout esclavage ;
Qu’on perd souvent l’acquis à vouloir d’avantage ;
Qu’il faut subir la loi de qui peut obliger ;
Et que qui veut un don ne doit pas l’exiger.
Je ne te dis plus rien : va rejoindre Hypsipyle,
Va reprendre auprès d’elle un destin plus tranquille ;
Ou si tu peux, volage, encor la dédaigner,
Choisis en d’autres lieux qui te fasse régner.
Je n’ai pour t’acheter sceptres ni diadèmes ;
Mais telle que je suis, crains-moi, si tu ne m’aimes.