Je sais ce qu’il faut craindre, et non ce qu’il faut croire.
Dans cette obscurité tout me devient suspect :
L’amour aux droits du sang garde peu de respect.
Ce même amour d’ailleurs peut forcer cette reine
À répondre à nos soins par des effets de haine ;
Et Jason peut avoir lui-même en ce grand art
Des secrets dont le ciel ne nous fit point de part.
Ainsi, dans les rigueurs de mon sort déplorable,
Tout peut être innocent, tout peut être coupable :
Je ne cherche qu’en vain à qui les imputer ;
Et ne discernant rien, j’ai tout à redouter.
La vérité, Seigneur, se va faire connoître :
À travers ces rameaux je vois venir mon traître.
Scène III
Parlez, parlez, Jason ; dites sans feinte au Roi
Qui vous seconde ici de Médée ou de moi :
Dites, est-ce elle ou moi qui contre lui conspire ?
Est-ce pour elle ou moi que votre cœur soupire ?
La demande est, Madame, un peu hors de saison :
Je vous y répondrai quand j’aurai la toison.
Seigneur, sans différer permettez que j’achève ;
La gloire où je prétends ne souffre point de trêve :
Elle veut que du ciel je presse le secours.
Et ce qu’il m’en promet ne descend pas toujours.