Ce qu’ébauche par là votre abord en ces lieux.
Soit Jason, soit Orphée, ou les fils de Borée,
Ou par eux ou par lui ma perte est assurée ;
Et l’on va faire hommage à votre heureux secours
Du destin de mon sceptre et de mes tristes jours.
Connoissez mieux, Seigneur, la main qui vous offense :
Et lorsque je perds tout, laissez-moi l’innocence.
L’ingrat qui me trahit est secouru d’ailleurs.
Ce n’est que de chez vous que partent vos malheurs,
Chez vous en est la source ; et Médée elle-même
Rompt son art par son art, pour plaire à ce qu’elle aime.
Ne l’en accusez point, elle hait trop Jason.
De sa haine. Seigneur, vous savez la raison :
La toison préférée aigrit trop son courage
Pour craindre qu’il en tienne un si grand avantage ;
Et si contre son art ce prince a réussi,
C’est qu’on le sait en Grèce autant ou plus qu’ici.
Ah ! que tu connois mal jusqu’à quelle manie
D’un amour déréglé passe la tyrannie !
Il n’est rang, ni pays, ni père, ni pudeur,
Qu’épargne de ses feux l’impérieuse ardeur.
Jason plut à Médée, et peut encor lui plaire ;
Peut-être es-tu toi-même ennemi de ton père,
Et consens que ta sœur, par ce présent fatal,
S’assure d’un amant qui seroit ton rival.
Tout mon sang révolté trahit mon espérance :
Je trouve ma ruine où fut mon assurance ;
Le destin ne me perd que par l’ordre des miens,
Et mon trône est brisé par ses propres soutiens.
Quoi ? Seigneur, vous croiriez qu’une action si noire…