Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/385

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Que forcé par ce maître il a répudiée[1],
155Par un reste d’amour l’attirât en ces lieux
Sous une autre couleur lui faire ses adieux ;
Car de son cher tyran l’injustice fut telle,
Qui ne lui permit pas de prendre congé d’elle.

SERTORIUS

Cela peut être encore : ils s’aimoient chèrement[2] ;
160Mais il pourroit ici trouver du changement.
L’affront pique à tel point le grand cœur d’Aristie,
Que sa première flamme en haine convertie,
Elle cherche bien moins un asile chez nous
Que la gloire d’y prendre un plus illustre époux.
165C’est ainsi qu’elle parle, et m’offre l’assistance
De ce que Rome encore a de gens d’importance,
Dont les uns ses parents, les autres ses amis,
Si je veux l’épouser, ont pour moi tout promis.
Leurs lettres en font foi, qu’elle me vient de rendre.
170Voyez avec loisir ce que j’en dois attendre :
Je veux bien m’en remettre à votre sentiment.

PERPENNA.

Pourriez-vous bien, Seigneur, balancer un moment,
À moins d’une secrète et forte antipathie
Qui vous montre un supplice en l’hymen d’Aristie ?
175Voyant ce que pour dot pour Rome veut lui donner,
Vous n’avez aucun lieu de rien examiner.

SERTORIUS.

Il faut donc, Perpenna, vous faire confidence
Et de ce que je crains, et de ce que je pense.
J’aime ailleurs. À mon âge il sied si mal d’aimer,
180Que je le cache même à qui m’a su charmer ;

  1. Voyez plus haut, p. 358, note 23
  2. Pauline dit dans Polyeucte, en parlant de Sévère (acte I, scène iv, vers 323) :

    Cela pourroit bien être : il m’aimoit chèrement.