Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
382
SERTORIUS.

Nos rois, sans ce héros, l’un de l’autre jaloux,
Du plus heureux sans cesse auroient rompu les coups ;
Jamais ils n’auroient pu choisir entre eux un maître.

Thamire

Mais consentiront-ils qu’un Romain puisse l’être ?

Viriate

Il n’en prend pas le titre, et les traite d’égal ;455
Mais, Thamire, après tout, il est leur général :
Ils combattent sous lui, sous son ordre ils s’unissent ;
Et tous ces rois de nom en effet obéissent,
Tandis que de leur rang l’inutile fierté
S’applaudit d’une vaine, et fausse égalité.460

Thamire

Je n’ose vous rien dire après cet avantage,
Et voudrois comme vous faire grâce à son âge ;
Mais enfin ce héros, sujet au cours des ans,
A trop longtemps vaincu, pour vaincre encore longtemps,
Et sa mort…

Viriate

Et sa mort…Jouissons, en dépit de l’envie, 465
Des restes glorieux de son illustre vie :
Sa mort me laissera pour ma protection
La splendeur de son ombre, et l’éclat de son nom.
Sur ces deux grands appuis ma couronne affermie
Ne redoutera point de puissance ennemie :470
Ils feront plus pour moi, que ne feraient cent rois.
Mais nous en parlerons encor quelque autre fois :
Je l’aperçois qui vient.